Dans notre inconscient collectif, depuis environ 10 ans, le Jeans a une vilaine étiquette qui lui colle à la peau : pollueur.
Il fait plusieurs fois le tour du monde avant d’arriver chez vous ?
Il faut une piscine olympique d’eau pour sa fabrication ?
Il transforme les rivières en égouts à ciel ouvert ?
Aujourd’hui, je vous propose d’entrer un peu plus dans la réalité du Jeans pour mieux comprendre d’où il vient et quel est sont vrai impact environnemental. Après avoir épluché plusieurs études et thèses de doctorat sur le sujet, je vous propose de démarrer par le commencement : mes sources d’information et le concept de cycle de vie. (Attention article long et trèèèès détaillé).
Cet article fait partie d’une Saga sur le Jeans et le Denim. Retrouvez les épisodes précédents ici :
- Comprendre la différence entre le Jeans, le Jean et le Denim !
- La grande histoire du Jeans, des mines au podium mode !

La base de la base : les sources et le cycle de vie d’un Jeans
Avant de pouvoir mesurer et évaluer un impact environnemental, il faut d’abord clarifier deux notions très importantes pour moi : les sources et le cycle de vie.
Les sources : construire l’honnêteté et la transparence
Vous le savez, je trouve ça très important de vous donner les sources des chiffres que je vous donne.
Évidemment, ça demande beaucoup plus de travail… Ben oui, c’est plus simple et combien plus rapide de regarder sur Pinterest, de prendre les 3 premiers chiffres qui sortent et de vous les balancer par ici, n’est-ce pas ?
Mais en réalité, des chiffres sortis de leur contexte ne veulent rien dire, parce que tous ces chiffres sont le résultat de calculs et d’hypothèses particulières. Et si vous ne comprenez pas les hypothèses, il y a de bonnes chances pour que vous compreniez mal les chiffres.
Que voulez vous, c’est mon passé d’ingénieur psychorigide qui remonte à la surface… (encore lui)

Tout ça pour vous dire que les chiffres de cet article sont issus :
- de l’étude de Lévi-Strauss de 2015 sur le Jeans 501
- d’une thèse de doctorat à propos de trois Jeans Nudie (marque Suédoise).
Il existe beaucoup d’autres documents en ligne. D’autres chiffres et d’autres étude. Mais pour rester le plus clair et concise possible (ha bon, c’est concis…) j’ai décidé d’élaguer un peu.
Le cycle complet de vie : envisager l’impact dans sa globalité
Non, je ne parle pas de la mythique chanson du Roi Lion, mais bien d’un concept fondamental pour calculer l’impact écologique.
En effet, pour évaluer honnêtement un impact écologique il faut le faire sur la totalité du cycle de vie du produit. En effet, si vous le faites sur une petite portion de ce cycle, les conclusions peuvent facilement être fausses globalement.
Petit exemple : les voitures électriques. Si vous comparez les consommations d’une voiture électrique et d’une voiture à essence pour parcourir 100 km, vous arriverez à une conclusion favorable aux modèles électriques. Mais si vous comparez l’ensemble du cycle de vie, prenant en compte la fabrication et le recyclage en fin de vie, le coût environnemental de la production d’essence et électricité, les conclusions peuvent être très différentes (je n’ai pas cherché une étude sur le sujet, je vous laisse le soin de le faire).
Faire une étude de cycle de vie complet demande énormément de minutie, une collecte de données très détaillée et un esprit ouvert pour éviter de manipuler les résultats.

Le cycle de vie d’un Jeans : où ça commence et où ça fini ?
Le cycle de vie d’une paire de Jeans comporte de nombreuses d’étapes :
- la culture des matières premières : les fibres de coton
- le filage
- le tissage
- la confection
- la vente
- l’usage et l’entretien par le consommateur
- le recyclage ou l’élimination en fin de vie
Mais cette liste est en réalité bien simpliste. Parce que le cycle de vie complet d’une paire de Jeans, c’est plus proche de ceci :

Oui, je vous le confirme, ça fait un beau bazar à compiler.
L’impact environnemental d’un Jeans
Peut-on vraiment mesurer l’impact environnemental d’un Jeans ?
L’impact environnemental est un concept, ce n’est pas quelque chose qu’on peut mesurer. BOOOM !
Grosse prise de conscience : Ce n’est pas quelque chose qui peut être mesuré directement avec un outil et des unités de mesure. L’impact environnemental c’est un ensemble de conséquences, parfois difficilement mesurables, sur l’environnement. Et pour corser le tout, on ne peut prendre en compte que les impacts que nous comprenons et que nous pouvons mesurer…
Mais partons du principe que nous comprenons tout (#optimisme).
L’impact environnemental d’un Jeans est mesuré par :
- L’impact sur le changement climatique (en kg de CO2 équivalent)
- L’impact sur acidification des terres (en kg de SO2 équivalent)
- L’impact sur l’eutrophisation des cours d’eau (en kg de Phosphore équivalent)
- L’impact sur l’occupation des terres agricole (en m2)
- L’impact sur l’occupation des espaces urbains (en m2)
- L’impact sur la transformation des espaces naturels (en m2)
- L’impact sur l’utilisation des ressources en eau (en m3 d’eau)
- L’impact sur l’utilisation des ressources fossiles (en kg pétrole équivalent)
Et là je pense que vous commencez à comprendre pourquoi une étude d’impact environnemental sur un cycle de vie complet de quelque chose d’aussi basique qu’un Jeans nécessite une thèse de doctorat.
En effet pour chaque étape du cycle de vie (voir schéma ci-dessus) il faut mesurer, ou à défaut évaluer, chacun des 8 impacts ci-dessus.

Les conclusions de ces études d’impact ?
Les conclusions de l’étude d’impact environnemental des Jeans Nudie apportent un éclairage qui pour moi est… inattendu !
L’utilisation des espaces naturels dans ta machine à lessiver
1 – L’impact sur l’utilisation des sols agricoles et sur l’utilisation des espaces naturels provient en grande partie de la phase d’utilisation du Jeans par le consommateur.
HA BON ?
Et oui, dans cette analyse ce sont les détergents utilisés par le consommateur qui ont le plus d’impact. En effet la majeure partie de ces détergents sont des dérivés de l’huile de palme ou de soja.

L’impact sur les changements climatiques de la centrale à charbon à ta machine à lessiver
2 – L’impact sur les changements climatique va très naturellement dépendre de la longueur de la chaine de production et de distribution et des moyens de transport choisis. Mais de façon plus surprenante, elle dépend aussi beaucoup des moyens de chauffage utilisés dans les usines et les magasins de la chaine de production.
Ainsi une usine de production localisée dans un pays qui produit son énergie avec du charbon impact très négativement le bilan global du Jeans. Et pour cette catégorie d’impact, entre 15 et 20% sont aussi dus à l’utilisation des Jeans chez les consommateurs (aka nous).
Les Jeans Nudie ne sont vendus qu’en Suède. Mais le Jeans 501 est vendu partout dans le monde. Et l’étude de Levi’s montre un biais culturel très intéressant en comparant les habitudes de lessive des Français, des Américains et des Chinois.

Ce qu’il faut retenir de tout ça c’est :
- 37% de l’impact climatique des Jeans 501 sont à imputer à l’utilisation que nous en faisons
- Laver à froid économise environ 20% d’énergie
- Sécher et repasser son Jeans est aussi très impactant (voir graphique ci-dessous). Et bien sur en France presque tous le monde repasse son Jeans (je sais vous allez me dire que vous ne le faites pas… mais moi non plus je ne le fais pas) et au Etats-Unis une majeur partie de la population passe son jeans au nettoyage à sec.
- La fréquence de nettoyage est bien sur primordiale. Il est intéressant de voir que en moyenne les Français et Américains lavent leurs Jeans après les avoir portés 2,5 fois alors que les Chinois passent leur Jeans en machine après l’avoir porté 4 fois. Levis pousse l’étude plus loin en analysant les conséquences de laver son Jeans après l’avoir porté 10 fois. Les conséquences sont directes : 75% de réduction de l’énergie et de l’eau consommée.

3 – Nudie réalise une analyse théorique de l’impact de ses Jeans s’ils n’étaient pas en coton bio. Et le résultat n’est ici pas très surprenant.
TOUS les impacts environnementaux sont en faveur du coton biologique. Mais là où les impacts sont les plus favorables :
- Acidification des sols (-25%)
- Eutrophisation marine (– 25%)
- Occupation des territoires agricoles (-60%)
- Consommation des ressources en eau (- 60%)
Les résultats sur l’impact des territoires agricole est vraiment contre intuitif étant donné que le coton bio a en général un rendement légèrement inférieur à celui du coton traditionnel. Mais dans cette étude complète prends aussi en compte l’utilisation des sols pour extraire et produire les engrais et des pesticides utilisés pour le coton classique.
Et oui, une étude complète de cycle de vie apporte des conclusions inattendues.

Consommation d’eau pour la production du Jeans
Les chiffres de Nudie, de Levis et de Textile exchange sont tellement différents que rien que de les regarder j’ai des nœuds dans le cerveau.
Pour produire un Jeans (de la culture à la production) il faut
- entre 400 litres et 600 litres pour produire les Jeans Nudie en coton Bio ;
- 3 781 litres pour le Jeans 501 de Levis (en partie avec du coton BCI) ;
- entre 5 700 litres et 15 000 litres pour Textile exchange (2014).
Nudie questionne ses propres donnés concernant l’eau nécessaire à la production de ces Jeans :
- environ 200 litres
- comparé à l’eau nécessaire pour la production d’un Jeans 501 (347 litres).
Ce chiffre peut être expliqué par le fait qu’une partie de la production de Nudie est régie par la certification GOTS qui assure l’impact environnemental minimal.

Conclusion et action
Résumer et réduire des études de plusieurs centaines de pages, de graphiques et de données en un article de blog est un exercice périlleux…
Et les conclusions et constatations ébauchées ci-dessus ne sont certainement pas les seuls points intéressants des études. Mais il en découle pour moi deux axes concrets d’action :
1- Vos lessives comptent
Je ne sais pas vous, mais moi j’ai souvent l’impression que dans la lutte pour sauvegarder la santé de notre planète, l’impact de nos actions quotidiennes est vraiment minime comparé à l’impact industriel.
La bonne nouvelle, illustrée en long en large et en travers par ces deux études, c’est que C’EST FAUX.

Nous actions quotidienne comptent. En particulier pour nos Jeans (et j’ai comme l’impression que ça doit être la même chose pour TOUS nos vêtements #detective) si vous voulez avoir un impact environnemental positif ET SIGNIFICATIF :
- Lavez le plus froid possible ;
- Faites attention à la provenance de vos détergents ;
- Lavez moins souvent vos vêtements ;
- Faites-les sécher naturellement ;
- Ne repassez que ce qui est vraiment nécessaire ;
- Évitez à tout prix le nettoyage à sec.
Et double effet positif, c’est que l’ensemble de ces activités sont quand même des corvées (qui aime vraiment faire des machines à lessiver). Alors pourquoi se priver de faire vraiment du bien à la planète ?
2- Le coton bio, le tissu bio et le Jeans Bio c’est vraiment fantastique.
Mais cela vous le savez déjà (parce que vous avez lu cet article qui explique le vrai impact du coton biologique sur l’environnement). Le coton Bio est un axe de minimisation de l’impact environnemental qui est très clairement confirmé par l’étude.
Vous vous en doutez bien, le fait que ce soit bio n’est du tout le seul critère qui limite les impacts environnementaux.

Si Levi’s décide de rationaliser et de réduire les transports de sa chaine de production, ça aura un impact positif. Mais ça, nous consommateurs, nous ne pouvons pas vraiment le savoir, ou l’évaluer correctement. Par contre, l’utilisation de tissu bio (avec la certification correspondante) c’est identifiable super facilement.
Alors si vous voulez avoir un impact positif sur l’environnement, vous savez ce que vous pouvez acheter.

Cet article fait partie d’une série d’article consacré au monde du Jeans:
Cet article fait partie d’une Saga compète sur le Jeans. Retrouvez les autres épisodes :
- Denim, Jean et Jeans ? Quelle est la différence ?
- La grande Histoire du Jeans : Le vêtement de toutes les révolutions du XX ieme siècle.
- Les 11 meilleurs patrons pour coudre un Jeans Brut ( + 2 Bonus)
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Moralité les jean de couleur foncée sont pls écolo que les blancs, beige etc car moins salissants. Et je ne compte pas “j’ai porté ce jean 2 jours ou 4 jours ou 10 jours” je regarde “est-il propre ou pas” et le plus souvent, un jean bleu denim reste propre bien plus longtemps qu’un jean blanc.