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Aujourd’hui, Mars-elle.com vous emmène cheminer sur la chaine de valeur de nos vêtements du commerce.

Nous avons toutes déjà acheter un t-shirt à 5 euro ou un chemisier à 25 euro. Mais après être tombée dans la marmite de la couture, j’ai voulu comprendre comment cette industrie de la fast-fashion pouvaient produire des vêtements si peu cher. Et la première question est : “Comment et à qui est redistribué l’argent d’un vêtement selon le modèle de la fast-fashion?”.

Décortiquons ensemble le prix d’un vêtement standard vendu pour une grande marque de fast-fashion. Au hasard : Zara. Du champs de coton jusqu’à la boutique de votre chemise préférée, le chemin est parfois très escarpé.

Prenons ce chemisier Zara qui coute la bagatelle de 25,95 €. Pour faire simple arrondissons ce prix à 25 €.

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Maintenant, allons creuser ensemble pour voir à qui sont distribués ces 25 petits euros.

Source: « Pulse of the fashion industry 2017 » voir détail en bas de l’article **

Décomposition du prix de la jolie chemise Zara

Premièrement, pour vous vendre cette jolie chemise, Zara a besoin de matières premières. Le tissu, les boutons, le thermo collant, le fil. Cela coute à Zara 3,22 €. Cette modique somme couvre :

  • la rémunération des cultivateurs de coton,
  • la rémunération des usines de filage,
  • la rémunération des usines de tissage et de teinture,
  • les couts des post-traitements des tissus,
  • les coûts des produits chimiques,
  • les boutons,
  • etc

Vous l’avez compris, détailler ces 3,22 € n’est déjà pas une mince affaire.

Ensuite les matières premières sont assemblées pour en faire votre chemise. Pour ce faire, il y a :

  • les salaires de la main d’œuvre de confection : 1,35 €,
  • les couts de fonctionnement de l’usine (machines, organisation) : 0,39 €,
  • le profit du fournisseur ou de l’intermédiaire : 0,25 €.

Le coût total de fabrication de votre chemise est de 5,21 €, matières premières incluses.

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Cette chemise est finalement vendue en magasin par la marque. La majoration de la marque est de 15,62 €. Elle couvre :

  • Les frais de boutique,
  • Les salaires des employés de la marque (vendeurs, styliste, commerciaux, etc),
  • Le profit de la marque,
  • Le marketing.

Il est communément admis dans le business de la mode que les articles sont vendus entre 2,5 et 3,5 fois leur coût de fabrication. Le secteur du luxe applique une majoration qui peut aller jusque 10 fois le prix de fabrication. Mais restons dans la fast-fashion.

Finalement, pour boucler la boucle, il faut évidemment ajouter la TVA de 4,17 € (moyenne européenne).

En auscultant cette chemise Zara, nous identifions les premiers étages de distribution de vos 25 €. Les mono-maniaques de cet exercice pourront encore sous-diviser les catégories : les salaires (occidentaux) comprennent des taxes et des impôts, les frais de boutique comprennent des frais d’énergie, de loyer, de nettoyage, d’aménagement, et ainsi de suite !

Là où le bas blesse…

La première réflexion d’une couturière en voyant ces chiffres est instantanée, n’est pas? 1,35 € pour la main d’œuvre de fabrication… Vraiment? Faire cette chemise doit nécessiter minimum 2 heures de travail avec l’équipement professionnel (manipulation des machines, coupe du tissu, assemblage, finitions). Ce qui représente à la grosse louche la bagatelle de 0,7 €/h. Youpi !

Lorsqu’on sait que les travailleurs (et en particulier les travailleuses) de cette industrie sont sous payés, il semblerai évident de considérer une augmentationsignificative, voir le doublement de leurs salaires. Finalement cette chemise, nous pouvons tout aussi bien l’acheter 1,35 € de plus, n’est ce pas ? Ce qui permettrait d’avoir des salaires plus décents à l’autre bout du monde sans imposer de régime drastique à nos porte-monnaie.

Win-Win, non ?

Et ben non. Ça ne se passe pas comme ça ! Parce que toute la chaine de valeur est définie en pourcentage. Aaaaaah, la magie perverse de ces pourcentages ! En effet, le profit du fournisseur, la majoration de la marque et la TVA sont définis en pourcentage du coût du produit au moment où il passe dans leurs mains.

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Le fournisseur fait monter son profit de 0,25 € à 0,32 €, la marque fait de même en intégrant, l’augmentation du salaire de la main d’œuvre ET l’augmentation du profit du fournisseur. La majoration de la marque passe donc de 15,85 € à 19,85 €.

Finalement, la TVA, sur le même principe, intègre l’augmentation du salaire de la main-d’œuvre, du profit du fournisseur ET de la majoration de la marque pour passer de 4,17€ à 5,29 €.

Et c’est comme ça qu’une augmentation de 1,35 € sur le salaire de la main-d’œuvre se transforme mécaniquement en une augmentation de 6,75 € sur la chemise finale.

Pourtant le fournisseur, n’a rien fait de plus ? Pourtant la marque a les mêmes frais pour vendre cette chemise ? Mais peu importe. Le système est ainsi fait. Et pour satisfaire le consommateur toujours en demande de moins cher, la pression doit être maintenue sur la main-d’œuvre exploitée à l’autre bout du monde. L’implacable système ?

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On change de direction ?

Chacun à son rythme, un petit peu à la fois, ensemble nous pouvons faire évoluer le système pour le rendre plus juste dans sa distribution de valeur. Je suis intimement persuadée que si les consommateurs marquent leurs intérêts pour des vêtements ETHIQUES, Les mammouths de la fast fashion seront obligés de changer leur fusil d’épaule et d’ajuster leurs politiques sociales.

Quel est votre ressenti, en temps que couturière, par rapport à cet échelonnage des coûts dans la fast-fashion ?

**Les chiffres utilisés dans cette analyse sont extraits du rapport « Pulse of the fashion industry 2017 » réalisé par « The global Fashion Agenda » et « Boston Consulting group ».

Mars'elle

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Join the discussion 28 commentaires

  • Blengino dit :

    Moi ce que je ne comprends pas c’est l’argument utilisé par la plupart des vendeurs de tissus en disant qu’ils récupèrent les tissus des entreprises qui devraient être brûlés et du coup ils recyclent
    Ok le concept est pas mal mais qui nous dit que ces mêmes entreprises produisent plus pour ensuite nous faire croire que c’est du recyclage et de ce fait une nouvelle filière s’ouvre
    Et dans tout ça très peu ou pas du tout de tissus biologiques
    Alors que penser ?
    Toutes les filles sont heureuses de coudre elles même leurs vêtements
    Mais il n’y a aucune écologie puisque tout est en polyester mais ça fait du monde dans les salons et puis………
    Etc
    Au début je trouvais ça dynamique mais avec le recul c’est effrayant car on n’avance pas vers une nouvelle politique et c’est décevant
    Toutes ces nouvelles couturières sur Instagram sont sympathiques mais se font avoir 🤦‍♀️🤷‍♀️
    Tout ça pour avoir des like et gagner de l’argent
    Je suis très perplexe 😳 de tout ça
    Mais ainsi va la vie et je doit être une vieille schnock 😂😂😂
    Merci beaucoup pour tout ce que vous faites envers et contre tout
    C’est génial 👍🏻
    Anne

  • Joséphine dit :

    Bonjour Rebecca, cet article est vraiment intéressant, merci. Je suis convaincue depuis un moment de l’hérésie du système, qui à mes yeux a pour cause principale la surconsommation. Ce qui est d’ailleurs le cas dans tous les domaines, on consomme trop et de faible qualité. Il convient à présent d’inverser la vapeur vers du moins et du mieux ! Je ne me souviens pas avoir acheté de vêtements pour moi depuis mon jean de grossesse en 2018…et je me rends compte aujourd’hui que certains des vêtements achetés avant cet événement, n’ont pas encore été portés…résultat, j’évite ces magasins de fast-fashion, où j’allais déjà peu, et je me suis mise à la couture, en réfléchissant à ce dont j’avais vraiment besoin ou dont j’étais sûre que je porterai. Quand ma petite est née, deux amies m’ont transmis les cartons de vêtements de leur fille, et j’étais parée pour un moment ! Je n’ai aucun problème à l’habiller avec, au contraire, je suis fière de ne pas gaspiller de nouveaux vêtements qui ne seront portés q’une saison ou presque. Et parfois, je lui couds, tricote ou achète un beau vêtement. Au bout du compte, que ce soit pour elle, pour moi ou mon mari, j’ai réalisé que nous portions toujours les mêmes vêtements, alors même avec une garde-robe minimaliste, il y a déjà largement. Je trie et donne chaque année des vêtements à des associations, je n’ai ni l’envie ni le temps de les revendre. La prochaine étape pour moi serait d’acheter un coupon de tissu seulement quand j’ai un projet de couture associée (et non juste parce qu’il est trop beau, et finalement restera un long moment sur l’étagère à tissus…), et de le choisir le plus équitable possible. Désolée pour ce long message, mais ça m’a fait du bien de partager mon point de vue. Joséphine

    • Mars-Elle dit :

      Ne t’excuse pas. ton message ets super inspirant et je part

    • Mars-Elle dit :

      Ne t’excuse pas. ton message est super inspirant et je partage aussi beaucoup ton point de vue. autour de nous, de plus en plus de personnes font ces constats et commencent les changement. Et concernant les tissus qui restent sur l’étagère, je suis 100% comme toi… alors oui, il reste du chemin. Mais il faut aussi pouvoir être bienveillant avec soi-même au risque de tomber dans une forme d’éco-anxieté qui ne fait pas non plus du bien. c’est un vaste sujet ! 1000 merci pour ton message qui sera certainement aussi très inspirant pour d’autres lectrices.

  • Audrey dit :

    Superbe article, pour celles comme moi aussi qui aiment décortiquer dans tous les sens les prix de chaque étape !
    Sans parler aujourd’hui du gros problème de ZARA à savoir les Ouïgours qui ne sont même pas payés (en résumé) pour la confection de cette même chemise aujourd’hui ! C’est pour cela que je me suis mise à confectionner des petites cousettes, moi qui n’ai pas de patience pour m’attaquer aux vêtements (ça fait quand même peur de se lancer faut l’avouer, et se tromper en plus c’est très frustrant…). Le tri dans les vêtements est pourtant fait, et trouver des nouveaux propriétaires est une vraie plaie… j’ai même plus de vêtements sur Vinted que j’en ai dans mon armoire avec Monsieur !
    Bref, je suis bien ravie de ne plus acheter aussi souvent qu’avant en magasin, même si je ne confectionne pas encore mes propres vêtements, je maintien que chaque personne fait comme il peut avec ses moyens, seul on change pas grand chose, mais à plusieurs et en s’éduquant tous ensembles on y arrivera un jour ou l’autre !
    Bien à toi

    • Mars-Elle dit :

      Merci beaucoup Audrey pour ce témoignage super enrichissant et honnête. Je suis d’accord avec toi. le chemin de la réflexion et de la remise en question est remplis de plein de petites difficultés, contrariétés et frustrations. mais quel plaisir et sensation de paix de se sentir, petit à petit avancer vers un plus grand alignement. Personnellement, ça me fait beaucoup de bien ! Bonne couture à toi.

  • Sylviane dit :

    Bonjour et merci pour cet excellent et édifiant article.
    Quand on prend en considération la pollution, les déchets, l’exploitation de la main d’oeuvre, les émissions de gaz à effet de serre des transports multiples, la destruction des invendus…on a vraiment envie de coudre ses vêtement, même si la production des tissus n’échappe pas totalement à ces critiques.
    Acheter de seconde main, je le fais depuis longtemps, notamment pour récupérer des tissus sur des pièces en grande taille, pour en refaire des plus petites, comme un débardeur d’été dans une robe…
    La production de biens de consommation est colossale et quand on met le pied dans la “seconde main” (!), tous domaines confondus, on réalise l’abondance de ces biens.
    Bien cordialement.
    Sylviane

  • Chloé dit :

    Ton article est très instructif et doit faire réfléchir les habitués à consommer aveuglément sans connaître la composition des vêtements à bas coût. Car quantité de textiles sont fabriqués à partir du pétrole ne l’oublions pas. Il faut informer pour responsabiliser.

  • Atelier Maya dit :

    Ton article est vraiment intéressant. J’essaie aussi de coudre mes vêtements et de limiter ma consommation.
    Avoir une garde robe minimaliste (avec que l’essentiel) peux aussi favoriser une démarche plus responsable et écologique.
    A très bientôt.

  • Anonyme dit :

    Merci pour ces infos super intéressantes et qui me donne vraiment envie de changer mes habitudes pour consommer juste, avec respect de l’homme et de l’environnement. J’essaye d’acheter des tissus seconde main (merci à Emmaüs et ses bénévoles) et j’envisage d’axer mes prochains achats textiles (hors seconde main) pour du certifié eoko tex et du bio.

  • Marie dit :

    Bel article !
    Qui me donne envie de te contacter en privé pour un petit projet !
    A toute suite 😉

  • Vincent dit :

    Idem,
    Super article !

    Par contre, Oui les temps de fabrication en usine n’ont rien à voir avec les temps dans l’artisanat.

    Chaque mecaniciennes a une tâche précise, dont le temps est déterminé a l’avance. Temps qui peut être mesuré avec des unités en dessous de la seconde!

    Dingue! Et métier affreux…

    Encore merci pour l’article

  • jean-marc dit :

    trés intéressent et juste, je suis dans la confection depuis 30 ans, je maîtrise assez bien toutes les étapes
    juste la chemise citée nécessite pour le temps de sa confection entre 30 et 60 minutes grand maximum ( large mais je ne peux étudier le modèle en détails) / le coefficient de 3 à 3.5 me semble sous-estimé / il est intéressant également d’intégrer au prix de façon le fait que le donneur d’ordre ne s’inquiète que rarement aux temps disponible des ateliers ( trop ou pas assez de commande est le casse tête du façonnier) et s’exonère de toute
    responsabilité sur l’emploi…
    je conserve vos coordonnés avec beaucoup d’intérêt – merci pour vos recherches.
    bien à vous.

    • Mars-Elle dit :

      Merci Jean-Marc pour ces précisions. 30 minutes ça me semble vraiment très peu en comptant toutes les étapes….Mais même en comptant 30 minutes, ça reste particulièrement peu cher !

  • Esther, couturiere à haute dose dit :

    beau travail de recherche et de synthese…. en fait, je me rends que je ne consomme pas du tout comme çà, je ne m’inquiete jamais de si un produit est en promo. J’ai, ou pas, les moyens de l’acheter au prix où il est vendu ! En ce qui concerne les vetements, avant le prix c’est les finitions et la qualité que je regarde. Quand par hasard, je ne couds pas moi-meme, je prefere acheter d’occasion un article de qualité qu’un article bas de gamme neuf.

    • Mars-Elle dit :

      Acheter des vêtements de seconde-main, c’est probablement l’achat le plus écologique qu’on puisse faire. Puisque dé facto on prolonge la vie de quelque chose qui existe déjà plutôt que d’utiliser de nouvelles ressources et matières premières pour faire un autre vêtement “jettable”. Prologer la vie de nos vêtement st essentiel dans un processus durable.

  • Merci pour cet éclairage, ça donne des chiffres à un “je le sais mais sans précision”. C’est compliqué cette affaire, même en étant convaincue de la démarche, j’achète parfois pour ma fille qui n’a pas sa taille définitive dans ces enseignes parce que… parce que. Bon, des excuses, évidemment, prise dans une facilité du genre qui se tire une balle dans le pied… La piqûre de rappel est donc bienvenue, ça continue de faire son chemin.

    • Mars-Elle dit :

      Et clairement, c’est un CHEMIN! et l’objectif est que nous soyons tous dessus. Impossible en fait de tout changer du jour au lendemain…. c’est certain. Mais régulièrement se poser les bonnes questions, ça aide “à faire son chemin”. Belle journée!

  • Anita dit :

    Merci d’avoir articuler si bien mes pensées sur ce sujet c’est un article vraiment intéressant et tellement pertinent à nos temps.
    Sans parler de problèmes pour l’environnement liés à la montagne de vêtements “jetables” que le fast-fashion engendre !

    • Mars-Elle dit :

      Merci Anita pour ce commentaire. Effectivement, les problèmes engendrés par la fast-fashion sont vraiment multiple: exploitation de la main d’oeuvre, pollution à grande échelle, consommation des ressources naturelles (eau, pétrole etc) et cette imposition du “moule” de la mode qui génère tellement de mal-être chez les jeunes (et pas que chez les jeunes d’ailleurs…). On se demande vraiment pourquoi ce système reste en place!

  • May dit :

    Je me pose les mêmes questions que toi et je n’achète que des tissus bio ou au moins oeko-tex et je couds la plupart des vêtements dont j’ai besoin remplaçant petit à petit tous mes anciens vêtements, mais je trouve tout aussi agaçant de voir sur mon fil Instagram des couturière qui cousent des 3 robes par semaine sans même se rendre compte qu’elles n’auront pas assez d’une année pour les porter et qu’au final elles sont dans la même démarche de consommation à l’excès… Alors merci pour cet article !!

    • Mars-Elle dit :

      OUI, pas facile de tracer son chemin dans une démarche plus durable dans ce flow qui nous pousse à la consommation. C’est pour cette raison qu’il est primordial d’en parler autour de soit pour que toutes et tous nous allions, à notre rythme, vers “moins et mieux”!

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