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Le prix du coton bio : Une équation avec de nombreuses inconnues

Parlons peu, parlons bien, parlons d’argent !

Le cour du coton bio a augmenté de façon vertigineuse en une petite année. Entre Juin 2021 et aujourd’hui (Avril 2022), le coton conventionnel coute plus de 65% plus cher. Le prix du coton bio a parfois plus de doublé sur cette dernière année.

POURQUOI ?

Cet article est en chantier depuis de nombreux mois. Et j’attendais toujours un peu plus longtemps avant de le publier. Parce que tous les mois, toutes les semaines, des nouveaux paramètres entrent en ligne de compte.

Alors que notre situation sanitaire face à la pandémie tend à se stabiliser, sur les marchés des matières premières, c’est le grand-huit aérien tous les jours. Et si, dans cet article, je vous parle du coton, ce n’est certes pas la seule matière première à vivre des grands chamboulements.

Mais pas de panique, je ne vais pas vous donner un cours d’économie, ni vous écraser de données ultra-flippantes. Mon objectif est de vous donner les clés principales pour que vous puissiez vous forger votre propre opinion sur cette évolution vertigineuse des cours du coton et en particulier du coton bio.

Le cour du coton de Juin 2021 à Avril 2022

Les causes sont nombreuses, et pas toujours celles qu’on a imaginées.

Le coton bio en quelques chiffres

Pour bien comprendre le marcher du coton bio, reposons quelques chiffres et base pour dessiner le paysage mondial de production de fibres textiles :

Le coton représente environ 25% de la production mondiale des fibres textiles.

Depuis une dizaine d’années, le coton bio augmente, cependant, il ne représente que 1% de la production de coton mondiale.

Voici les zones du monde qui cultivent le coton bio :

image extraite du rapport 2021 de Textile exchangehttps://textileexchange.org/wp-content/uploads/2021/07/Textile-Exchange_Organic-Cotton-Market-Report_2021.pdf

La bonne nouvelle : l’augmentation de la demande

Textile exchange dans son dernier rapport prévoit une augmentation de la demande du coton bio de 84%.

Grâce à un début de conscientisation des consommateurs, les entreprises de production de vêtements se sont petit à petit fixées des objectifs pour aller vers des productions plus durables, et le coton bio en profite directement.

Mais cela a un impact direct sur les prix.

Qui dit augmentation de la demande, dit augmentation des prix si l’offre ne peut pas suivre. Et aujourd’hui, il est déjà identifié qu’il n’y a pas assez d’exploitations de coton en conversion de l’agriculture conventionnelle vers l’agriculture biologique pour produire autant de coton bio que ce qui est estimé pour les prochaines années.

Bref, c’est une très bonne nouvelle que les prévisions de demande en coton biologique augmente significativement sur les prochaines années. Mais cela n’est pas sans impact actuellement sur le marché avec le secteur du coton biologique qui peine a s’organiser pour saisir cette opportunité de changements durables et en profondeur.

La fraude sur le coton bio en Inde

Vous avez probablement entendu ici et là, qu’on produit moins de coton bio qu’il ne s’en vend. Evidemment, cela signifie qu’il y a du gravillon dans l’engrenage.

Le monde du coton bio n’est pas toujours rose. En 2020, le label GOTS a finalement mis la main sur une large fraude organisée pour « blanchir » du coton conventionnel. Des faux certificats de transactions étaient créés directement par l’organisme certifié qui doit normalement garantir la traçabilité des produits.

GOTS a pu démanteler cette filière de fraude et a communiqué sur l’ampleur et les conséquences de ces fraudes à l’intérieur de son propre système de contrôle. 11 grosses entreprises indiennes ont été bannies du label, le contrat avec les organismes certifiés ont été directement cassés.

Mais les impacts sur les prix ont été direct :

Le boycott de la production en chine

Attention, ce sujet est extrêmement complexe. À partir de 2019, le monde ouvre les yeux sur l’exploitation de près d’un demi-millions de Ouïgours dans les champs de coton de la provinces de Xinjiang en Chine.

Les marques se retrouvent préssées par les consommateurs, l’opinions publique, mais aussi par leurs investisseurs pour boycotter le coton cultivé dans cette province.

Le coton biologique et le coton conventionnel sont à priori touchés de la même façon par ce travail forcé. Mais le coton biologique dispose d’un système de traçabilité (normalement – voir la fraude en Inde) fiable et qui permet de s’assurer de la provenance du coton. Le boycott a donc été effectif avec un effet sur l’augmentation des prix du coton bio.

Parallèlement à cette prise de conscience éthique mondiale, les Etats-Unis ont utilisé ce « prétexte » pour mettre une pression économique sur la Chine en signant une interdiction d’importation du coton Chinois. Evidemment ce type de manigance économique vient perturber tout le marché du coton, mais aussi l’industrie de la mode.

Le coton conventionnel n’est pas soumis à un système de tracabilité quelconque. Le coton chinois est alors vendu à des usines dans des pays limitrophes qui les ont revendus directement aux ateliers chinois. Les pays intermédiaires ont été utilisés pour brouiller les pistes et continuer à vendre le coton produit dans la province de Xinjiang.

la sécheresse au États Unis au printemps 2022

A coté des questions éthiques qui touchent directement le marché du coton, il y a aussi les aléas climatiques. Ce printemps 2022, une sécheresse s’annonce au Etats-Unis et fait déjà planer la crainte d’une récolte décevante pour ce très grand producteur de coton.

La culture du coton nécessite de grandes quantités d’eau au début de sa croissance et de forte chaleur et de la sécheresse au moment de sa maturation. Si ces conditions ne sont pas réunies, la récolte sera moindre en quantité et en qualité.

Le Texas est responsable de 40% de la culture du coton Américain. Des semaines prolongées de sécheresse trop tôt au printemps dans cette région du monde influent directement sur le cour mondial du coton et donc du coton bio.

Culture du coton

Les stocks au plus bas

Entre 2020 et 2022, l’industrie textile a été complètement chamboulée par la crise sanitaire et l’arrêt d’une partie de la chaine de production. Face à cette problématique, les stocks ont été utilisés jusqu’à être presque épuisés.

Il n’est pas question ici de « stock mort » (« dead stock » qui sont des marchandises qui ne se vendent pas).

Les stock de matières tout au long de la chaine de production permette de travailler sans risque de défaut d’approvisionnement. C’est comme votre stock de chocolat, de pâtes ou de papier toilette. Vous allez certainement les consommer dans un futur proche, mais au cas ou vous en avez besoin de plus, vous avez toujours un stock en réserve sous la main.

Bref, en 2021, ces stocks sont au plus bas à tous les niveaux de la chaine de production qui travaille alors en flux tendu. Depuis quelques mois, la situation se stabilise et la production du coton aussi. C’est alors que tous les industries ont commencé en même temps à reconstruire leurs stocks pour pallier aux éventuels coups-durs, imprévus et problèmes d’approvisionnement.

Et comme la taille du stock est directement proportionnelle à l’incertitude générale, la demande pour le coton explose à l’intérieur même de la filaire de production.

Et qui dit explosion de la demande face à une offre qui peine à récupérer de la pandémie dit impact sur les prix tant pour le coton biologique que pour toutes les autres fibres.

C’est un peu comme pour la crise du papier toilette du début de la pandémie. Rappelez vous : beaucoup d’utilisateurs ont décidé de faire des stock en même temps, sans pour autant en consommer plus, et les rayons des magasins se sont vidés en un rien de temps. Et bien, c’est exactement le même processus pour le coton.

L’impact à multiple répercutions du prix du pétrole

Évidemment le cour du coton n’est pas le seul à danser la samba en ce moment. Et dans les danseurs qui influencent fortement notre coton, il y le très populaire pétrole : l’or noir.

Ce n’est certes pas la première fois que les cours du pétrole font des solos acrobatiques. Mais combiné aux problèmes internes du coton susmentionnés, cela donne un cocktail explosif.

Regardons de plus près l’impact de l’augmentation substantiel du cour du pétrole.

1 Le prix des fibres synthétiques qui décollent

Les fibres synthétiques sont des produits pétro-chimiques. Qui dit augmentation du pétrole dit augmentation du prix des fibres synthétiques.

Et cela impact directement les prix du coton. En effet, dans une situation plus classique, l’augmentation des cours du coton pousserai une partie de la chaine de production à utiliser plus de fibres synthétiques au détriment du coton. Ce qui finalement signifierai une sorte de régularisation de la demande et donc un amortissement de l’augmentation des prix.

Mais aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Les prix augmentent de partout et le coton rentre même en compétition directe avec certaines fibres synthétiques.

2 Les prix des intrants

Si la culture du coton bio se fait avec un minimum d’intrants et surtout sans intrant issu de la pétro-chimie, ce n’est pas le cas du coton conventionnel. Ce coton, souvent OGM est aspergé de multiples produits pour grandir, pour grossir, pour résister aux conditions extérieurs et aux pesticides etc.

Aujourd’hui, le prix de ces produits a drastiquement augmenté. Mais comme la culture du coton conventionnel est pieds-et-points liés à l’utilisation de ces intrants, les couts de production sont directement impacté et se répercutent sur le cour du coton.

Certes le coton bio n’est lui pas directement impacté par la hause des intrants chimiques. Cependant, la hausse des prix du coton conventionnel va toujours induire une hausse des prix du coton bio par effet de vases communicantes.

3 Le prix du transport qui s’envole

Je pense que je ne dois pas vous faire un dessin concernant cet impact. Mais il est bien réèl sur le prix du tissu final. Ici, il est moins question du cour de la matière première, mais bien de l’impact final du tissu fini et transporté dans les magasins, ou jusque dans vos stocks.

Pour vous donner une idée, le transport des rouleaux depuis mon imprimeur en Grèce jusqu’à mon atelier a doublé en 1 an. De l’autre côté, les couts d’expédition pour envoyer vos colis ont augmenté de 15%. Et tous les couts de transports intermédiaires dans la chaine de production sont impactés : du champs chez le grossiste, vers la filature, vers les stock, vers le tisseurs, vers, l’ennoblisseur, vers le magasins.

4 L’électricité et le gaz qui s’affolent

De nouveau, ce n’est pas une découverte. Les couts d’électricités et de gaz dansent la même samba que notre ami le pétrole (ils sont quand même vachement liés). Et cela impact aussi le prix des tissus.

Et oui, mon tisseur, tricoteur, ennoblisseur ont besoin d’électricité. Leur facture d’énergie a doublée, triplée, voir plus en quelque temps. Cela a aussi un impact sur le prix de nos tissus.

Conclusions 

Voilà pourquoi, entre autres choses, le prix du coton et en particulier du coton bio a explosé en un an à peine.

Pour le moment, il n’y a pas encore directement d’impact sur les prix de vente. Les grandes marques de vêtements de la fast-fashion ont annoncé que ça n’impacterai pas du tout leurs prix de ventes, ils ont encore des systèmes de pression et d’action pour gardez leurs prix très bas.

Mais ces impacts financiers ne sont pas du tout sans conséquences pour des petites structures comme Mars’elle.

Aujourd’hui nous ne savons pas ce que l’avenir nous réserve. Mais il reste extrêmement important pour moi de ne pas baisser les bras ni sur la qualité des tissus, ni sur leurs impacts écologiques.

J’espère que cet article vous aura permis d’y voir un peu plus clair sur la situation actuelle et les influences multi-factorielles sur notre or blanc.

Pour en savoir plus :