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Ce que j’ai appris en cousant dans un atelier de couture professionnel

đŸ˜± Avril 2020.

đŸ˜± Il faut vraiment que je vous rappelle la situation ?

đŸ˜± La pĂ©nurie de masque.

đŸ˜± Le confinement strict.

Et toutes les joyeusetés qui ont suivies.

A ce moment-lĂ , j’ai dĂ©cidĂ© de rejoindre un atelier de couture professionnel qui s’organisait pour coudre des masques Ă  la chaine.

La structure Ă  la base Ă©tait un centre de formation notamment axĂ©s sur la couture Ă  la chaine. Tout a fermĂ© prĂ©cipitamment. Mais c’était sans compter l’agilitĂ© et la rĂ©silience des personnes en charge.

AprĂšs une semaine, l’atelier professionnel de couture Ă  la chaine Ă©tait montĂ©.

Je vous raconte mon expérience et surtout mes apprentissages dans cette expérience couture pas du tout comme les autres.

Pourquoi comment et pourquoi coudre ?

J’ai dĂ©barquĂ© dans cette petite Ă©quipe bĂ©nĂ©volement.

Au niveau pratico-pratique :

L’équipe Ă©tait organisĂ©e comme un atelier pro grĂące Ă  l’expĂ©rience de plusieurs personnes qui travaillaient Ă  diffĂ©rents postes dans des ateliers de confection de vĂȘtements. Ils ont pris en main toute l’organisation et la structuration des tĂąches et des Ă©quipes.

Il y avait une exigence de qualité et de rapidité.

Nous Ă©tions entre 12 et 20 personnes Ă  travailler en mĂȘme temps. Avec moins de la moitiĂ© des effectifs derriĂšre une machine Ă  coudre. Nous produisions des masques en tissu qui ont Ă©tĂ© principalement donnĂ©s dans les structures mĂ©dicales en manque de stock, les camps de rĂ©fugiĂ©s, les structures sociales, etc.

Ce que j’ai appris de la couture à la chaine

1 – 50% couture et 50 % pour le reste

Environ la moitiĂ© de l’équipe Ă©tait derriĂšre les machines Ă  coudre. Et les autres ne se tournaient pas les poussent en buvant du thĂ© Ă  la menthe.

Parce qu’avec le travail Ă  la chaine, l’optimisation des machines Ă  coudre est absolument clĂ©. Il est extrĂȘmement important que les machines tournent le plus possible. Ce qui signifie que toutes les autres actions doivent ĂȘtre prisent en charge par d’autres personnes.

Notr équipe comportait les postes suivants :

La découpe en trÚs grand nombre des tissus pour les masques

J’ai Ă©tĂ© trĂšs Ă©tonnĂ©e de cette rĂ©partition, mais c’est bien celle qui permet de faire le plus de masque Ă  l’heure avec un nombre de machines Ă  coudre dĂ©fini.

Et en plus d’avoir une rĂ©partition environ 50/50 sur les couturier.e.s et non couturier.e.s, nous avions aussi une rĂ©partition 50/50 hommes et femmes.

Nous avions 3 couturiers expĂ©rimentĂ©s (ouvrier textile dans des trĂšs grandes usines), deux hommes et une femme. Des femmes bĂ©nĂ©voles (comme moi) Ă  la couture et des hommes bĂ©nĂ©voles ou de l’organisation aux tĂąches annexes (voir plus haut).

Cette mixitĂ© aussi m’a surprise. Mais je sais qu’elle n’est pas reprĂ©sentative de la rĂ©alitĂ©. Dans l’industrie textile, il y a une grande majoritĂ© de femmes ouvriĂšres. De plus les postes Ă  responsabilitĂ© (contremaĂźtre, etc) sont en gĂ©nĂ©ral occupĂ©s par des hommes.

Pour en savoir plus sur la rĂ©alitĂ© des conditions de travail dans les grandes usines de production de vĂȘtements lire cet article sur la non mixitĂ© dans les usines et cet article sur la dĂ©couverte des conditions de travail par des influenceurs mode.

La brillante et talentueuse couturiùre qui s’est reconvertie le temps de quelques mois en organisatrice d’atelier temporaire pour coudre des masques à la chaine.

Bref, c’était une satisfaction de coudre dans un atelier gĂ©rĂ© par une talentueuse jeune femme qui a travaillĂ© dans des usines Ă  la chaine, mais aussi dans des ateliers de grands couturiers.

2 – Coudre à la chaine jusqu’au bout

Coudre Ă  la chaine jusqu’au bout, cela signifie en rĂ©alitĂ© de tout organiser pour que les machines Ă  coudre soient presque en permanence en fonctionnement.

Pour ce faire, il faut avoir assez de stock Ă  chaque Ă©tape pour ne pas risquer « une panne sĂšche » et attente des tissus de l’étape prĂ©cĂ©dente

Pratiquement pour moi, cela signifiait :

Ma petite table, ma petite machine et mon stock de laniĂšre fraĂźchement repassĂ©e prĂȘtes Ă  coudre Ă  ma droite et celles dĂ©jĂ  cousues, en tas avec les fils attachĂ©s derriĂšre la machine.

Pour des coutures plus spĂ©cialisĂ©es dans l’habillement, une couturiĂšre peut prendre en charge plusieurs couture tant qu’elles peuvent ĂȘtre faites sans repassages ou dĂ©coupages intermĂ©diaires. Par exemple, un assemblage de col ou de poignet de manches. C’est ce que notre responsable d’atelier m’a expliquĂ©.

3 – Je ne sais pas utiliser un dĂ©coud vite

AprÚs ces considérations trÚs organisationnelles, il faut que je vous parle des deux choses beaucoup plus « personnelles ».

Et la premiÚre inclus :

Un aprÚs midi, aprÚs la pause de midi je vois notre responsable avec une pile de masque à découdre. Il y avait eu un gros problÚme qualité la veille et il avait été décidé de reprendre les coutures pour livrer des masques de qualité.

Je ne sais pas ce qui m’a pris, mais je lui ai proposĂ© de prendre cette charge. Elle Ă©tait bien plus essentielle au volant de sa machine industrielle.

Il y avait une soixantaine de couture de 60 cm à découdre.

Et je ne pouvais pas me plaindre, c’est moi qui avais proposĂ© de m’y coller.

AprĂšs 20 minutes la responsable vient me voir. J’avais Ă  peu prĂšs dĂ©cousu un tiers de la pile. Elle me regarde avec un ai super Ă©trange et me lĂąche un :

Elle a alors attrapĂ© mon dĂ©couds vite et a dĂ©cousu les 60 cm en moins de 4 secondes. ZIP et c’était fini.

Autant vous dire que je me suis sentie vraiment nulle. J’ai rĂ©alisĂ© que depuis toutes ces annĂ©es je ne savais pas tenir un dĂ©coud vite.đŸ˜±

J’utilisais la pointe pour attraper les points et puis pour les sectionner.

Mais la technique, sur des coutures droites est de positionner la petite boule SOUS la couture de laisser la couture bien fermĂ©e et puis d’enfiler la couture sur le dĂ©coud-vite. ZIIIIIP et c’est fini. La petite boule sous la couture permet d’écarter le tissu pour ne pas le couper.

Évidement la premiĂšre couture dĂ©cousue avec cette technique s’est soldĂ©e en dĂ©chirage de tissu🙈. Mais comme j’avais encore un paquet de couture Ă  dĂ©coudre, j’ai pu m’entraĂźner. AprĂšs 10 minutes c’était pliĂ© (avec seulement 2 masques Ă  la poubelle pour cause de « zipure » de dĂ©butante) et j’ai pu reprendre ma machine Ă  coudre.

4 – Le mal de dos aprĂšs une journĂ©e

AprĂšs 3 heures le matin, et 3 heures l’aprĂšs-midi, penchĂ©e sur ma machine Ă  coudre, le mal au dos, aux Ă©paules et Ă  la nuque Ă©tait bel et bien rĂ©el. ET ce n’est pas une simple question de musculature. Parce qu’aprĂšs un mois, le mal Ă©tait tout aussi paralysant en fin de journĂ©e.

Je n’ose pas imaginer les couturiĂšres qui travaillent des journĂ©es compĂštes (voir trop complĂštes), tous les jours.

Les couturiers et couturiĂšres qui ont l’expĂ©rience du travail Ă  la chaine intensif ont essayĂ© de nous montrer comment coudre sans se plier en deux sur son ouvrage
 mais c’est tellement difficile de changer une habitude, une posture intĂ©grĂ©e depuis longtemps.

MalgrĂ© cette honte de couturiĂšre autodidacte et ces mal au dos tenaces, je suis trĂšs heureuse d’avoir pu participer Ă  cet atelier montĂ© pour l’occasion.

đŸŒ± J’y ai appris comment utiliser un dĂ©coud vite.

đŸŒ± J’ai rencontrĂ© des personnes extraordinaires.

đŸŒ± J’ai pu comprendre un petit peu de la rĂ©alitĂ© des ouvrier.e.s textiles.